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Sud-Kivu : l’ARC pleure Pierre Lumbi

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L’Alliance pour le Renouveau du Congo, ARC/Sud-Kivu, pleure Pierre Lumbi. Pour le président fédéral de ce parti politique membre d’Ensemble pour la République, Pierre Lumbi était une école.

« Il a été pour nous un doyen, un coach en matière politique. Il aura été avec les autres leaders importants du G7 une école où nous avons appris la constance, la loyauté, la persévérance et le sens de responsabilité par rapport aux choix politiques. Viser en toute chose le social et le bien-être du peuple congolais sans désemparer. Compter avant tout sur notre capacité de nous prendre en charge et de proposer des stratégies rationnelles et réalistes », peut-on lire dans le message de condoléances signé par Christopher Bisimwa, président fédéral de l’ARC au Sud-Kivu.

Pour rappel, Pierre Lumbi est mort dimanche 14 juin, du Covid-19. Il avait été un grand acteur de la société civile congolaise, reconverti à la politique et devenu opposant à son ancien allié Joseph Kabila. Pierre Lumbi Okongo était âgé de 71 ans.

Qui est Pierre Lumbi ?

Président du comité de sages du Rassemblement depuis le 2 mars 2017, Pierre Lumbi est un acteur socialement et politiquement engagé de très longue date. Déjà, au cours de ses études supérieures à Lyon en France, il a milité dans le mouvement tiers-mondiste de lutte pour un monde plus juste dans la répartition des richesses et pour la souveraineté des peuples. Après ses études en 1978, il a opté pour organiser les paysans à l’Est de son pays, alors Zaïre, plutôt qu’exercer son expertise de psychologue clinique dont il détient un diplôme de licence. Ce choix de vie l’a amené à initier Solidarité Paysanne, la toute première organisation non gouvernementale (ONG) laïque de la République Démocratique du Congo (RDC).
Pendant 10 ans, il a coordonné plusieurs actions de Solidarité Paysanne de plaidoyer et de développement social et économique des communautés paysannes. D’abord dans la plaine de la Ruzizi en territoire d’Uvira, puis dans l’ancienne province du Kivu et les trois nouvelles provinces après le démembrement du Kivu, enfin à travers tout le pays.
A l’Est de la RDC, sous l’inspiration de Pierre Lumbi, Solidarité Paysanne a appuyé la création des coopératives paysannes des agriculteurs (Mkulima), des éleveurs (Butuzi) et des pêcheurs (COJEPU, Virugwe). En plus de cela, Solidarité Paysanne a soutenu et plaidé pour des communautés de la plaine de la Ruzizi, ainsi que pour plusieurs initiatives et organisations paysannes, dont notamment la coopérative des planteurs de canne à sucre (COPASUKI). Enfin, Solidarité Paysanne a appuyé et encadré des initiatives fédératrices d’organisations paysannes qui ont créé des réseaux de coopératives (FERCOOP et INTERCOOP) et des groupements des femmes paysannes (UWAKI) au Sud-Kivu, au Nord-Kivu et au Maniema.
Toujours à l’Est du pays, sous l’inspiration de Pierre Lumbi, Solidarité Paysanne a initié plusieurs projets de développement social et économique en milieux ruraux. Dans le social, on peut notamment citer l’alphabétisation des femmes paysannes (Projet alpha), la fourniture d’eau potable (PEP), l’amélioration de l’habitat rural et la protection de l’environnement (Projet reboisement). Quant aux activités de développement économique, Solidarité Paysanne a initié le CEP Katobwe qui a encadrer les projets de traction bovine, de culture attelée, d’amélioration des rendements des paysans agriculteurs, éleveurs, aviculteurs, pisciculteurs, riziculteurs et arboriculteurs fruitiers. Enfin, Solidarité Paysanne a lancé à Bukavu des actions pour amener les paysans à se prendre en charge dans le contexte de la dictature de Mobutu. A ce sujet, on peut citer la création d’un centre de formation (CF Bagira), un bureau d’assistance juridique gratuite des paysans (BAJ) et une action d’assistance et formation des filles mères (Maison de la femme).
A Kinshasa, l’ONG animée par Pierre Lumbi a créé une chambre des métiers pour promouvoir et encadrer les artisans des communes de Ndjili et Kimbanseke, ainsi qu’un bureau de représentation. Au niveau national, Solidarité Paysanne a appuyé la création d’un syndicat national paysan (ASP), ainsi qu’un programme national d’échange et formation des paysans (PIEF).
Au cours de son engagement social, Pierre Lumbi a participé aux débats internationaux sur la problématique de l’exploitation du Tiers-monde, parmi lesquels la « Campagne : mieux se nourrir, vaincre la fin » dans les années 80.
Lorsque le Président Mobutu a libéralisé l’exercice de la politique en avril 1990, sous l’impulsion de Pierre Lumbi, Solidarité Paysanne a pris l’initiative de mobiliser les organisations sociales pour qu’elles s’organisent en une société civile, en vue de participer et peser sur dans le débat en cours sur la démocratie, les droits de l’homme et la bonne gouvernance. Lancé à partir d’avril 1991 au Centre Bondeko de Limete à Kinshasa, le mouvement de la société civile s’est alors engagé dans la lutte pour l’organisation d’une conférence nationale souveraine (CNS). Lorsque ce combat est parvenu à obtenir la participation en plus grand nombre des délégués des organisations sociales que ceux des partis politiques, des institutions du gouvernement et des invités, Pierre Lumbi a été le seul chef de délégation à la CNS (ouverte en août 1991), d’une province (le Sud-Kivu) dont il n’est pas originaire.
La dynamique de la société civile coalisée avec les partis politiques d’opposition regroupés dans l’Union sacrée de l’opposition radicale (USOR) a dominé dans la CNS, au point où ses travaux ont été suspendus par le pouvoir de Mobutu. Pour que ce forum symbole de la lutte contre la dictature pour la démocratie reprenne ses travaux, Pierre Lumbi a initié le Comité Laïc de coordination, un regroupement des laïcs chrétiens, qui a organisé la Marche d’espoir le 16 février 1992. Cette marche, violemment réprimée par l’armée du régime Mobutu, a été la manifestation populaire pacifique jamais organisée à Kinshasa et dans d’autres provinces du pays.
Pendant cet épisode de lutte pour la démocratie, pour le compte du leadership associatif, Pierre Lumbi a participé aux négociations politiques de Palais de Marbre 1, Palais de Marbre 2 et du Palais du Peuple. Il a fait partie de plusieurs gouvernements pour le compte de la société civile. C’est ainsi qu’il a été ministre de la santé, famille et affaires sociales du gouvernement Etienne Tshisekedi en octobre 1991, ministre de la santé du gouvernement Jean Ngunz Karl I Bond en novembre 1991 (il s’est désisté), ministre des relations extérieures du gouvernement Etienne Tshisekedi issu de la CNS en août 1992, puis en avril 1993 (un gouvernement parallèle à celui de Faustin Birindwa), ministre des postes et télécommunications du gouvernement Kengo Wa Dondo en juillet 1994.

Après la chute de la dictature de Mobutu, à l’avènement de Joseph Kapila à la présidence de la RDC, Pierre Lumbi a été nommé chargé des stratégies à la présidence, puis a participé au Dialogue inter congolais en Afrique du Sud en 2002-2003. Après l’accord de cessez-le-feu, il a lancé le Mouvement Social des leaders de la société civile pour leur engagement en politique qui est devenu le parti politique Mouvement Social pour le Renouveau (MSR) en novembre 2005. Pendant ce temps, il exerçait les fonctions d’assistant-directeur de cabinet du conseiller spécial du Chef de l’Etat en matière de sécurité Samba Kaputo.

Lorsque le MSR est devenu la deuxième force politique de la majorité au parlement et troisième du pays à l’issue des élections an 2006, Pierre Lumbi a successivement exercé, de 2006 à 2015, les fonctions de ministre d’Etat chargé des infrastructures, travaux publics et reconstruction et de conseiller spécial du Chef de l’Etat en matière de sécurité.

Après la rupture avec la Majorité Présidentielle en septembre 2015, le MSR est passé à l’opposition. En mars 2016, le MSR s’est coalisé avec six autres partis pour créer le G7. En juin et de la même année, le G7 a fait partie des initiateurs du Rassemblement des forces politiques et sociales acquise au changement (Rassemblement).

Avant l’épuisement des mandats du Président Kabila et des autres institutions électives du pays, la CNCO a initié des négociations en vue de trouver les voies pacifiques de poursuivre le processus électoral. Ces négociations ont abouti à la signature d’un accord le 31 décembre 2016 à Kinshasa. Après le décès d’Etienne Tshisekedi, président du comité des sages du Rassemblement qui devait devenir président du conseil de suivi de ces accords (CNSA), Pierre Lumbi a été voté pour le remplacer par cinq plates-formes sur les neuf signataires de la création du Rassemblement en juin 2016 à Genval en Belgique.

Au cours de tout ce parcours de combattant, Pierre Lumbi a été emprisonné à trois reprises : à Bukavu en 1990 par le pouvoir de Mobutu, deux fois à Kinshasa, en 1993 par le gouvernement Birindwa et en 1997 par le l’AFDL.

 

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