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Cabinet du Gouverneur de la province du Sud-Kivu en RD Congo. Photo ©deboutrdc.net_06 mars 2023
Cabinet du Gouverneur de la province du Sud-Kivu en RD Congo. Photo ©deboutrdc.net_06 mars 2023
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SUD-KIVU : Des gouverneurs qui se succèdent et qui se ressemblent

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Depuis les élections de 2006, les premières élections dites démocratiques en République Démocratique du Congo, la province du Sud-Kivu, située à l’Est de la RDC, a connu 5 gouverneurs. Ceux-ci sont proposés, ou mieux imposés, et « élus » presque dans les mêmes conditions. Bien entendu, c’est Kinshasa qui décide. Pas les députés provinciaux. Dès lors, ils ne font allégeance qu’à Kinshasa seul ! Curieusement, ils sont déchus tous de la même manière par l’Assemblée provinciale. Au bout du compte, ce sont les habitants qui en sortent meilleurs perdants.

Province du Sud-Kivu, en RDC
Province du Sud-Kivu, en RDC

A l’époque coloniale, la ville de Bukavu, appelée « Constermansville », était le chef-lieu du Kivu qui a donné naissance à 3 provinces actuelles. Il s’agit de la province du Maniema, la province du Nord-Kivu et celle du Sud-Kivu qui abrite Bukavu. Après le découpage du Kivu, le Sud-Kivu est resté la province la plus avancée par rapport à ses « provinces sœurs » aussi bien sur le plan infrastructurelle, économique, politique qu’éducationnelle.

Après 32 ans de règne du « Marechal » Mobutu renversé par Laurent Désiré Kabila en 1997, une forte instabilité s’est installée. Devenu successeur de son père à 29 ans, Joseph Kabila dirigera le « pays continent » au cœur de l’Afrique pendant 18 ans. Déchirée par des rébellions qui veulent déstabiliser le jeune président et s’accaparer des ressources minérales sollicitées par l’industrie technologique en pleine révolution, la RDC optera, en 2002, pour le système de gouvernance « 1+4 » où le président Joseph Kabila est secondé par 4 vice-présidents issus de rébellions avec comme mission principale d’organiser des élections démocratiques dans un bref délai.

En 2006, le pays tient ses premières élections « démocratiques », soit 46 ans après son indépendance. Le premier président de la république élu démocratiquement a été investi. Des parlementaires et des députés provinciaux ont été également votés. Selon la constitution, ces derniers, à leur tour, élisent les gouverneurs de province. Au Sud-Kivu, malheureusement, du premier au cinquième connu, les gouverneurs élus n’ont placé au premier plan que des intérêts propres à eux, oubliant de servir la population pour qui ils sont placés au pouvoir. Devant la pression d’une telle population, les députés provinciaux n’ont fait qu’ « élire » pour déchoir sous peu et vice versa. C’est ainsi que dans 13 ans, soit de  2006 à 2019, la province montagneuse du Sud-Kivu a connu 5 gouverneurs, tous hommes.

  1. Célestin Cibalonza Byateranya

Célestin Cibalonza a été élu gouverneur du Sud-Kivu le 27 janvier 2007, sous la liste du parti présidentiel, le PPRD, lead  de l’Alliance  pour la Majorité Présidentielle (AMP). Le 10 février 2008, il va démissionner après une motion de défiance votée contre lui. Les députés provinciaux l’accusaient non seulement d’incompétence mais aussi de rébellion contre l’Etat congolais.

De fortes tensions montent en province. Une délégation  mixte composée des membres de l’Assemblée Nationale et du Sénat va être  diligentée depuis la capitale. Conduite par Norbert Katintima du parti au pouvoir (PPRD), et qui deviendra plus tard deuxième président de la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI), cette mission avait pour objectif de calmer la tension qui prévalait entre le gouvernement provincial et l’Assemblée provinciale du Sud-Kivu. Malgré cette délégation qui, visiblement tentait d’apaiser les élus provinciaux, Célestin avait démissionné.

Il s’en ira « queue entre les pattes » et aucune action palpable ne sera retenue à son actif par le Sud-Kivutien lambda. Une forte déception de la part d’un tout premier gouverneur de province après les toutes premières élections démocratiques.

  1. Louis Léonce Muderhwa, sous les pas de Célestin

Le 21 mars 2008, c’est Louis Léonce Muderhwa qui est élu gouverneur de la  province du Sud-Kivu en remplacement de Cibalonza. A l’instar de son camarade, il sera contraint aussi à la démission le 15 avril 2010 dans presque les mêmes conditions. En mars 2010, sous la houlette de Guizot Mulengezi, une pétition va être initiée pour le faire partir. Les pétitionnaires l’accusaient de mauvaise gestion à la tête de la province.

Une commission d’enquête sera mise en place. Les conclusions des enquêtes vont relever plusieurs griefs dont une mauvaise gestion de la province, une gabegie financière, un budget voté mais non exécuté, des projets débutés mais jamais achevés. 22 députés provinciaux sur 34 vont voter pour le départ de Louis Léonce. Il passera 24 mois à la tête du Sud-Kivu avant de rendre le tablier. 17 mois au service du PPRD de Joseph Kabila sans répondre aux besoins sociaux criants de ses administrés.

  1. Cishambo, « l’homme du Chef »

Après le départ de Muderhwa, c’est Kinshasa qui « imposera » Marcelin Cishambo comme nouveau gouverneur. Conseiller politique du président Joseph Kabila, il est « élu » le 12 juillet 2010, comme gouverneur de province pour le compte du Parti du Peuple pour la Reconstruction et la Démocratie (PPRD), parti au pouvoir.

Malgré ses multiples absences en province, il va battre le record en passant plus de 7 ans à la tête du Sud-Kivu.

Grâce à son caractère « impitoyable », Marcelin Cishambo Ruhoya a tenté de redonner d’aération à la ville de Bukavu, en cassant plusieurs immeubles érigés anarchiquement dans l’emprise de la voirie urbaine. Il s’impliquera dans l’asphaltage d’autres artères de la ville telles que l’avenue Industrielle, la route Cimpunda, l’avenue Fizi et Hippodrome. Plus tard, la durabilité de ses infrastructures sera questionnée. Et la destruction d’immeubles longeant les routes n’a, malheureusement, pas été suivie de la mise en place d’artères modernes, ce qui a débouché à l’envahissement des espaces autrefois libérés.

Certes, c’est sous le règne de Cishambo que le tronçon allant de la Place de l’indépendance à Panzi a été asphalté. Cette portion de route, fait partie du projet de réhabilitation de la route nationale N°5 allant de Bukavu à Uvira, passant par les escarpements de Ngomo et la cité frontalière de Kamanyola. Alors qu’il était prévu que les travaux de cette route prennent 18 mois, pour relier les deux villes distantes de 122 km, 6 ans après le démarrage, la route n’a été asphaltée que sur une distance d’environ 5km.

A l’instar de ses prédécesseurs et camarades du PPRD, il sera accusé de mauvaise gestion. 18 députés provinciaux voteront une motion de défiance contre lui. Aussitôt, un climat de tension s’installe dans la province car juste après le vote, l’homme n’a plus eu accès aux comptes bancaires de la province.

Dans la région, il est possiblement vrai que certains noms traduisent les caractères de ceux qui les portent. Pendant son règne, « Cishambo » qui signifie ‘voleur’, se fera appeler « Cubaka », c’est-à-dire ‘le bâtisseur’. Ses proches et collaborateurs prêcheront ce nouveau nom à longueur des journées. Après son règne, le nom de Cubaka va disparaitre.

Gyrophare à tout bout de passage, injures faciles non seulement envers ses subalternes mais aussi vis-à-vis de sa population, le « bâtisseur » va démissionner en août 2017, laissant derrière lui une province divisée. Dans la mémoire de ses administrés, il s’est agi de sept ans de règne mais pas de gouvernance.

  1. Nyamugabo, « l’homme d’actions »

Le 26  août de la même année, soit quelques jours après la démission de Cishambo, la CENI organise les élections des gouverneurs. Cadre du PPRD, Claude Nyamugabo Bazibuhe sera élu pour diriger la province.

C’est contre toute attente que le candidat du parti au pouvoir n’arrivera pas à gagner les élections au premier tour. Ses 16 voix contre 12 de raflées par son adversaire ne feront pas la majorité de suffrages. Cadre de l’Union des Démocrates pour le Développement et le Social, UDDS, Elie Zihindula Mushengezi désistera au second tour et laissera Nyamugabo seul dans la course pendant que la population s’apprêtait à voir un nouveau visage qui n’est plus du PPRD. Sans surprise, Nyamugabo sera le 4ème gouverneur du Sud-Kivu après 2006. Il sera dit que Bahati Lukwebo, main-droite de Joseph Kabila à l’époque, aurait joué un rôle important pour qu’Elie Zihindula accepte de se retirer de la course et permettre à l’homme du chef de régner.

Nyamugabo dirigera le Sud-Kivu d’octobre 2017 à mars 2019. Originaire du territoire de Kabare, il a donné l’impression de maîtriser la situation dans laquelle se trouvait la province et qu’il allait travailler pour la cause de la population, mais  sa gouvernance a de plus en plus été remise en cause par cette population, avant d’initier la campagne « Nyamugabo Must Go ».

La plus grande trace de sa gouvernance au Sud-Kivu reste un géant portrait fixé à la place dite Essence, dans la ville de Bukavu, avec la mention « L’homme d’action ».  A cela peut s’ajouter le concept « Nyantederisation » que sa gouvernance a introduit  au lexique bukavien, qui traduit un tel égoïsme qui l’a poussé à bourrer les services de l’Etat, tout comme les services liés au gouvernorat, de personnes issues de son village de Nyantende.

Le Sud-Kivu retiendra que c’est sous Nyamugabo que les travaux de construction du « stade de Bukavu » à Nyantende ont été lancés pour une durée de 24 mois et que le constat fait plus de 5 ans après indique qu’il s’est agi des fonds jetés à l’eau. Les travaux ont été arrêtés et le chantier abandonné. Plus de 10 millions de dollars américains « enterrés ».

  1. Ngwabidje, l’homme du « gouverner autrement »

La même année, la CENI va organiser les élections des gouverneurs au Sud-Kivu. Cette fois c’est l’AFDC qui va proposer le nom du candidat. Au début, ce parti cher à Bahati Lukwebo, va proposer le nom Jean-Jacques Purusi. Peu après, il va constater que ce dernier aurait une nationalité Belge. Face à cette difficulté et devant le temps qui presse, il fallait trouver un pion de rechange. « Beau-frère » de Lukwebo, Théo Ngwabidje Kasi sera l’homme ‘providentiel’.

Inconnu sur la scène politique, Ngwabidje sera vite présenté comme le candidat vivant avec la population dans les mêmes conditions. « Ces enfants étudient ici et sa femme fréquente le même marché que nous », disaient ses supporteurs pour convaincre la masse. Il bénéficiera alors du soutien des notables de la province et des structures de la société civile qui, finalement, espéraient avoir trouvé l’homme pour la reconstruction rapide du Sud-Kivu.

Des sensibilisations de tout genre, des dialogues et conférences ont été organisés pour présenter à la population un administratif dit « Garçon Bk » (garçon de Bukavu) et exhorter les élus provinciaux de porter leur choix sur ce pion dont le slogan est « gouverner autrement ».

Elu en mai 2019, Ngwabidje sera très vite surnommé « tonton millionnaire » pour s’être enrichi à la vitesse de la lumière. Il sera aussi accusé de mauvaise gestion sans précédent, d’incompétence, de spoliation des biens et domaines de l’Etat, de détournement et bien d’autres griefs.

Les espoirs ont fané. Les conditions sociales de la population et le cout de la vie sont alarmant. Les infrastructures routières dégradées et l’insécurité bat son plein.

En 4 ans de règne, il connaitra 4 motions dont deux de censure et deux de défiance, la dernière étant celle du 24 novembre 2022 et qui l’avait destitué. Deux fois déchu par l’assemblée provinciale, deux fois réhabilité par la justice.

Plus de motocyclistes dans la ville de Bukavu sur l’artère principale dite « Boulevard Emery Patrice Lumumba » afin de réduire les accidents; construction du tronçon Place Mulamba-Ruzizi I d’environ 3 Km sur le même boulevard sur fonds de la province, sont les actions les plus retenues de Ngwabidje en province. Le contrat « Jin Jang » annoncé par Ngwabidje pour la construction et l’asphaltage de la route Bukavu-Shabunda (326 Km) ferait de lui le leader soucieux du désenclavement des territoires. Ce projet apprécié par la population et dont la signature a été annoncée le 08 mars 2021, n’a jamais commencé !

Pendant que l’homme clame le développement de la province par des actions par lui initiées en conformité avec la « vision du Chef de l’Etat », les députés provinciaux motionnaires le jugent sur base des griefs sus évoqués qui, insistent-ils, font régresser le développement de la province. Curieusement, tous se disent soutenus par la population qui, pourtant, en est la principale victime.

Réhabilité le 22 mars 2023 par la cour constitutionnelle du pays auprès de laquelle il avait soumis sa requête, Ngwabidje a rejoint son cabinet en qualité de gouverneur le 10 avril 2023. Une nouvelle qui a jeté de l’huile au feu dans le camp des élus provinciaux qui ne jure qu’à son départ pour « délivrer la province du mal ».

A présent, le torchon brûle entre l’assemblée provinciale et le gouvernement provincial. Une nouvelle motion a été annoncée par les députés. Cela fera 5 motions dans 5 ans. Si Ngwabidje n’est pas limogé, fera-t-il des miracles dans les quelques 8 mois qui lui restent?

Qui finalement pour gouverner le Sud-Kivu ?

Plus d’un analyste s’interrogent sur le profil d’un gouverneur qui pourra enfin tirer la province du gouffre. Faut-il cette fois-ci essayer une femme ? Faut-il essayer un non originaire ? Faut-changer le mode de scrutin ?

Il est temps que les têtes pensantes du Sud-Kivu prennent conscience de l’avenir de leur province à défaut de quoi, le cercle infernal des gouverneurs au service de Kinshasa et de leurs autorités morales sera perpétuel !

Déchus pour détournement, spoliation, mauvaise gestion, etc., aucun de ces gouverneurs n’a été traduit en justice jusque-là.

Lire aussi: SUD-KIVU : Par terre, la province crie à ses notables qui l’enterrent

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