Guerre en RDC : Pourtant, Bukavu était en paix avant l’AFC/M23
La grande majorité de sa population y est restée, parce que la ville de Bukavu était tranquille précédemment. Malgré la panique et inquiétude qui s’accroissaient au fur et en mesure que les rebelles avancés, aucun habitant ne pourrait s’imaginer ce qui se passe actuellement. Depuis l’occupation de cette grande ville à l’Est de la RDC par la plateforme antigouvernemental M23/AFC, les hostilités cohabitent amèrement avec la population.

16 février-16 mars 2025, cela fait exactement 1 mois que les rebelles du M23 appuyés par l’armée Rwandaise occupent la ville de Bukavu. Une ville de 60km² avec ses trois communes: Ibanda, Bagira et Kadutu et ses quelques 1,5 millions d’habitants, Bukavu est devenue l’ombre d’elle-même. Depuis l’occupation de cette ville martyre son économie est par terre, l’insécurité bat son plein et ses habitants vivent la peur au ventre. Bukavu cette ville vibrante aux multiples opportunités, une ville vivante, « meurt » désormais à partir de 18heures. Chacun rentre chez lui avant pour éviter d’être assassiné.
Bukavu tombe sans coup de balles
Le 14 février, une journée des amoureux a été vécu différemment dans la ville de Bukavu. Ce vendredi était une journée particulière. L’aéroport de Kavumu, venait de tomber entre les mains des rebelles. Leur ambition, descendre sur Bukavu, à 30 km vers le Sud. Durant cette journée, des camions faisaient la ronde pour déplacer certaines marchandises des magasins vers la maison pour éviter des probables pillages. Les habitants ont aussi constaté des mouvements anormaux des militaires congolais et alliés qui quittaient la ligne de front en grand nombre.
« On a vu un mouvement inhabituel des militaires congolais. Certains étaient dans des camions des FARDC avec minutions, femmes et enfants. D’autres sur des motos, d’autres encore dans des bus et taxis. D’autres faisaient les pieds. Ils étaient fatigués, stressés et très méchants », se rappelle encore un habitant de l’avenue Michombero, rencontré à quelques mètres des Cliniques Universitaires de l’Université Officielle de Bukavu.
Les militaires cantonnés à Bukavu au camp Saio, Industriel, Labotte, et les policiers, tous ont pris la route vers le Sud de la ville de Bukavu, Nyangezi, Kamanyola et Uvira. Bukavu est restée orpheline à partir de cette journée.
Le samedi 15 février, la ville était abandonnée, un bien presque sans maître. Des coups de balles ont été entendus dans presque toutes les avenues de la ville de Bukavu. Des magasins ont été dévalisés, plusieurs biens volés et d’autres vandalisés par des hommes armés et la population locale.
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Des mineurs ramassent des armes et sèment la panique
Les militaires congolais sont partis. Ils ont laissé la ville sans protection, outre le dépôt d’armées brulé au niveau du TP Industriel, une quantité importante d’armes et munitions était abandonnée au camp Saio. Plusieurs familles des militaires ont laissé certains jeunes aux camps. Ces jeunes, enfants des militaires et autres jeunes des avenues voisines, ont ramassé des armes et ont commencé à tirer dans toutes les directions. Les plus aguerris, ont appris à d’autres comment tirer, c’était du karaoké d’armes.
« Des jeunes de camp Saïo, ont récupéré des armes. Il y avait un grand stock. Des jeunes sont venus de presque toute la ville. Ils étaient sur la ligne pour recevoir des armes. Puis on leur a appris comment manier les armés. L’idée pour eux était de se défendre à l’arrivée des rebelles », témoigne un habitant voisin du camp des militaires Saïo.
Trois enfants exécutés
Les rebelles du M23 soutenus par l’armée Rwandaise sont entrés à Bukavu le 16 février, un dimanche. A leur arrivée, à travers le General Byamungu, l’un d’eux, a organisé une petite causerie avec quelques habitants rencontrés à la place de l’indépendance.
Après ce passage, plusieurs coups de balles ont été entendus dans la ville. Vers le camp Saïo, trois enfants ont été tués.
Selon des témoins, les M23 sont arrivés sur le lieu, cherchant à contenir la ville après leur entrée, Ils ont trouvé ces trois enfants jouant avec des armes. Ces enfants ont répondu aux M23, qu’ils ont pris ces armés pour sauver le pays qui est agressé par les ennemis. « Sans discussions aucune, les M23 ont tiré sur ces enfants », nous confirme la cousine de l’une des victimes rencontrée au deuil. Une information confirmée par le Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’homme, HCDH.
« Nous avons également appris que le 16 février, dans un quartier appelé quartier latin à Bukavu, 3 garçons ont été tués lors d’une altercation avec des membres du M23. Selon des informations recueillies auprès de sources fiables, les trois garçons, qui n’ont pas encore été identifiés, transportaient des armes collectées dans un camp abandonné des FARDC et ont été interceptés par les militaires du M23. Ils ont refusé de désarmer et, au cours d’un échange de tirs qui a suivi, les trois enfants ont été tués », a détaillé Mme Ravina Shamdasani, porte-parole du HCDH.
M23, mouvement de libérateurs ou de tueurs ?
Depuis l’occupation de Bukavu par les rebelles, la vie est devenue difficile dans la ville. Des corps sans vie sont ramassés presque chaque jour dans la ville de Bukavu sans compter ceux qui sont brulés vifs par la population.
« Chaque jour nous ramassons des corps sans vie dans nos avenues. La plupart ont des cranes criblés des balles. On ne sait pas dire pourquoi ils sont tués et par qui », renseigne Fiston Akonkwa, habitant rencontré sur avenue Georges Défour, qui vient de la concession SNCC, où six corps sans vie sont allongés.
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Depuis le 15 février 2025, les organisations de la société civile du Sud-Kivu ont recensé une soixantaine de cas de violations graves des droits humains. Ces actes incluent des exécutions sommaires, des violences sexuelles, des pillages, des actes de lynchage et des disparitions forcées.
L’ONG Human Rights Watch a rapporté ces statistiques dans un rapport publié mercredi 12 mars.
« Cette organisation internationale a noté que les rebelles du M23 ont effectué des descentes dans des maisons et proféré des menaces de mort et de représailles, sapant ainsi le travail des médias indépendants et des organisations de la société civile », rapporte nos confrères des radio Okapi qui ont exploité ce rapport.
Face à cette insécurité grandissante, les acteurs de la société civile haussent le ton.
Dans une lettre ouverte adressée au Coordonnateur de l’AFC/M23, la nouvelle Dynamique de la Société civile, alerte sur la situation dramatique actuelle. Pour elle, la vie humaine est sacrée et la sécurité est un droit.
« Il ne serait pas du tout souhaitable ni agréable de votre part de régner sur des tombes ni sur des cadavres », peut-on lire dans cette déclaration signée par Jean Chrysostome Kijana, responsable de la NDSCI ;
Insécurité économique
En plus des vols, viols et assassinats, les habitants de Bukavu, vivent dans une insécurité sociale et économique sans précédent. Plusieurs personnes ont perdu leurs emplois, le commerce ne marche plus comme c’était au paravent, des taxes sans contreparties sont instaurées par les M23.
A Kazingo, l’entrée de ville, vers le Nord, chaque véhicule et chaque colis transporté doivent payer un certain montant qui varie entre 1000 et 5000 mille francs (1,5 dollars). C’est la même chose aux différents ports. Les voyageurs qui empruntent la route Bukavu-Walungu sont soumis aussi à la même tracasserie.
Guerre en RDC: Bukavu face à un brusque changement
La nouvelle Dynamique de la société civile, s’insurge contre cette pratique qui vient alourdir la misère des Bukaviens déjà intenable.
« Ayez pitié de cette population paupérisée et qui dans les prochains jours vont commencer à mourir de faim suite à cette situation de guerre qui lui ai imposée et dont elle reste la première et la principale victime, elle ne saurait donc pas la financer », fait savoir la Nouvelle Dynamique de la société civile, NDSCI, dans une correspondance adressée à Corneille Nangaa, coordonateur du mouvement AFC/M23.
Les doyennes et doyens de la société civile, ont aussi écrit. Ils alertent les nouvelles autorités sur la situation générale de la province du Sud-Kivu, depuis leur arrivée dans la ville.
« La situation de guerre a facilité des actes de pillage et de vandalisme qui ont détruit une partie substantielle du tissu économique de la ville de Bukavu et ses environs », peut-on lire dans une lettre adressée au nouveau gouverneur de la province du Sud-Kivu par sept anciens cadres de la société civile bureau de coordination le 5 mars 2025.
Sur invitation de l’émir du Qatar, le président Félix Tshisekedi et son homologue rwandais Paul Kagame se sont rencontrés le 18 mars 2025 à Doha après l’avortement des négociations entre le gouvernement congolais et les rebelles du M23 initiées par le président de l’Angola. A la fin de cette réunion, les deux chefs d’Etat ont exprimé le souhait d’un cessez-le-feu entre les parties au conflit pour ouvrir la voie à la paix. Les populations affectées directement par ce conflit aspirent et espèrent la paix car cette guerre a fait beaucoup de victimes depuis plusieurs années.
La rédaction
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