Naufrage à Goma : ‘’Les victimes’’ sous frustrations et menaces des autorités
Au total 623 personnes étaient à bord du Bateau Merdi qui a chaviré sur le lac Kivu, dans l’Est de la République Démocratique du Congo, le jeudi 3 octobre 2024. Seulement 62 rescapés et 33 corps sans vie retrouvés. Ainsi, 528 corps demeurent engloutis par les eaux du lac. Des chiffres qui font « sursauter » les autorités provinciales qui avaient déjà annoncé un bilan « minimaliste ».
Ce lourd bilan est publié par le comité des victimes (survivants) en collaboration avec la société civile. Face à la tergiversation des autorités autour du bilan réel, ces statistiques dévoilées sont, sans surprise, à la base des discordances avec les autorités politico-militaires, qui menacent.
Selon les détails reçus après ce drame, les chefs coutumiers et leurs collaborateurs, les acteurs locaux de la société civile, la communauté de la Mutualité Havu et le comité des victimes se sont tous réunis pour répertorier les victimes à partir de leurs provenances.
« Les autorités se sont indignées de statistiques que nous avons fournies! »
Ayant sillonné tous les villages et quartiers, l’équipe a dressé une liste des personnes ayant voyagé à bord de ce bateau qui a quitté Minova (au Sud-Kivu) pour Goma (au Nord-Kivu). Ce travail d’investigation réalisé grâce à la collaboration de toutes ces couches n’a pas, malheureusement, mérité l’encouragement vu les efforts fournis. Par contre, ça a suscité des mécontentements dans le chef des dirigeants!
‘’Le gouverneur militaire s’est indigné des statistiques exactes que nous avons faites. Il a fort tonné en disant qu’on devrait le consulter avant toute communication. Pourtant, malgré notre état de vulnérabilité, nous devons jouir de notre droit de liberté d’expression par rapport à ce qui nous est arrivé,’’ fait savoir Néhémie Bahati, président du comité des victimes.
Dans plusieurs groupements, dans des villages du territoire de Kalehe et ses environs, les deuils se tiennent partout. Beaucoup d’autres familles à Goma, à Bukavu et à Idjwi pleurent les leurs.
Pendant ce temps, les familles des victimes n’ont pas apprécié la communication du gouvernement provincial du Nord-Kivu qui a tenté de minimiser le coup de cet incident mortel en un petit dégât de naufrage normal.
‘’C’est irresponsable! Je n’ai pas été d’accord quand il a publié un bilan de 23 décès parce que moi-même j’ai perdu 27 familiers très proches, qui sont décédés dans cette noyade. Où est-ce qu’il a tiré ce chiffre? Le gouverneur militaire est entrain de nous menacer à chaque moment. Il s’est senti vexé par cette vérité que nous avons dévoilée,’’ ajoute Néhémie Habajuwe Bahati.
L’arrivée des délégations gouvernementales logées dans des hôtels VIP
Depuis le vendredi 04 octobre dernier, la ville de Goma qui était la destination du bateau qui a coulé, a commencé à accueillir des fortes délégations en province de la capitale Kinshasa pour une mission objective liée à cette catastrophe.
Sur la liste également, la délégation du Gouverneur de la province voisine et victime du Sud-Kivu, la délégation des experts du ministère de transport, la délégation du Vice-Premier Ministre et Ministre de l’intérieur et celle de la Ministre des affaires sociales et actions humanitaires.
Comme à l’accoutumé, toutes ces autorités et leurs délégations sont logées dans des hôtels étoilés et à la charge du trésor public.
Malheureusement, au-delà des frustrations, la délégation des quelques membres la société civile et le comité des victimes qui a été invitée à Goma par le Gouverneur, témoigne de devenir objet des méfiances, des frustrations et d’abandon.
‘’Nous n’avons jamais reçu même une bouteille d’eau depuis que nous sommes arrivés ici. Ces ministres venus de Kinshasa, nos gouverneurs du Nord-Kivu et Sud-Kivu et d’autres délégations, nous consultent régulièrement quand ils ont besoin des informations. Lorsque nous posons la question par rapport à notre séjour ici à Goma, ils nous promettent de revenir et c’est tout,’’ s’indigne monsieur Juges Sadiki, président de la société civile de Minova.
Les efforts de la rédaction de deboutrdc.net de joindre les autorités du Nord et du Sud-Kivu sur cette situation n’ont pas encore été productifs.
« Il y a eu quelques morts seulement! »
Rares ne sont pas les jours que les autorités Congolaises se permettent de dire, après un drame, « qu’il n’y a eu que quelques morts ».
Depuis le régime de Joseph Kabila, les dirigeants ont toujours minimisé les bilans des accidents et des catastrophes qu’ils auraient dû prévenir mais face auxquels ils n’ont posé aucune action.
Lambert Mende Omalanga, ancien Ministre de la communication et Porte-parole du Gouvernement sous Kabila, était, dans ses discours, devenu « comédien célèbre » par son talent politicien de torpiller la vérité autour de bilans des drames qui appelleraient à la responsabilité du Gouvernement. Un talent qui a fait rire tout le monde qui connaissait la vérité.
Plusieurs autorités ont, malheureusement, adopté la même attitude, crachant parfois sur la mémoire et la dignité des victimes.
Kalehe, Kalehe, Kalehe!
En République Démocratique du Congo, Kalehe serait le territoire le plus frappé par des accidents, calamités et catastrophes, évitables ou pas!
Le territoire fait face à un manque criant des infrastructures permettant un transport sécurisé des personnes et des biens. Les routes sont fortement dégradées et sont, d’ailleurs, coupées par les rebelles du M23. Pas d’aéroport et visiblement pas de port pour pallier cette situation.
Les paysans font recours aux pirogues aussi bien motorisées que non motorisées, se permettant une embarcation surchargée au vu et au su des autorités régulatrices. Plusieurs embarcations ont fait des morts et des dégâts bien considérables.
Des morts par centaines mais rien n’est toujours fait!
Le territoire de Kalehe est régulièrement frappé par des cas d’inondations et de naufrages.
S’agissant d’inondations, la soirée du 04 mai 2023, des fortes pluies se sont abattues sur différentes localités du territoire de Kalehe dont Nyamukubi/Bushushu, dans le groupement de Mbinga Sud, causant des dégâts énormes.
Selon les dernières estimations des autorités provinciales, au moins 550 (cinq cent cinquante) personnes ont été tirées de décombres et enterrées tendis que plus de 5000 (cinq mille) autres personnes sont portées disparues, englouties par les eaux et près de 3 000 maisons ont été affectées.
L’un des accidents lacustres les plus meurtriers est celui du 15 avril 2019 lorsqu’une pirogue motorisée quittant la ville de Goma pour Kalehe avait chaviré sur le lac Kivu, faisant plus de 150 morts.
le Président de la République, Felix Tshisekedi Tshilombo, alors nouvellement élu, s’était rendu sur le lieu et avait promis la construction de quatre ports modernes ainsi que la dotation du territoire de grands bateaux. Jusqu’à présent, ces ports ne sont pas toujours érigés et aucun bateau n’a été constaté.
Sur terrain, l’on note seulement des travaux de construction d’un port en cours à Kalehe-Centre. Il était prévu que ce port sera prêt à utiliser avant fin novembre 2021 ; ce qui permettrait aux bateaux de grands tonnages de desservir le territoire de Kalehe. Pendant ce temps, la population ne fait qu’usage de moyens de fortune à leur disposition et, souvent, au prix de leur vie.
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Amisi Musada et Jonathan Magoma
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