RDC : Des catastrophes naturelles se succèdent et se ressemblent au Kivu (Munguiko Diaz)
Les lampions se sont éteints sur le Symposium pour KALEHE qui avait l’ambition de tirer des leçons des catastrophes survenues au Kivu. Organisé à Goma par la Dynamique Indépendante RESILIENCE, il aura été un grand moment de contribution à la construction des savoirs autour des standards de prévision et de gestion des catastrophes à l’Est de la RD Congo, à partir du cas de la récente catastrophe de Bushushu et de Nyamukubi enTerritoire de Kalehe au Sud-Kivu.
Des reponses éphères aux catastophes régulières
En effet, les catastrophes se suivent dans cette partie du pays et se ressemblent par la grande improvisation qui caractérise les réponses spontanées aussi bien des communautés que des dirigeants. C’était déjà le cas en 2010 lors de la coulée de boue de Tara, au bord du Lac Albert en Ituri et en 2017 lors des graves inondations qui ont momentanément noyé Bihambwe dans le Masisi au Nord-Kivu.
L’éruption volcanique du Nyiragongo en mai 2021 a occasionné le défilé de près des deux tiers des membres du gouvernement congolais, y compris le Premier Ministre et même le Président de la République, sans que cela ne laisse une pratique qui aurait pu aider à mieux gérer la coulée de boue d’août de la même année sur les flancs du volcan éteint Mikeno situé à 39Km au Nord de Goma, à Rugari.
Bukavu et ses icendies mortels
Les débuts du mois de juin 2023 sont marqués par le deuil et la désolation dans la ville de Bukavu au Sud-Kivu. En moins de dix jours, le feu s’est déclaré et a ravagé tout sur son passage successivement à Camp Zaïre au quartier Nyamugo, Irambo au quartier Nyalukemba et Kibombo au quartier Ndendere. Tout s’est consumé sans le moindre signe d’un camion anti incendie à l’horizon.
Face à ces catastrophes, la jeunesse toujours aux prémiers rangs
Dans ces cas de sinistre, la jeunesse est au premier rang des sauveteurs improvisés qui font ce qu’ils peuvent sans se référer à quoi ni à qui que ce soit ! Et plusieurs d’entre eux en ont payé le prix fort.
Depuis toutes ces années et catastrophes, aucun calcul des dégâts n’a été fait pour une quelconque idée de compensation.
Histoire des catastrophes au Kivu
Après le Symposium de Goma, on en sait un peu plus sur l’historique des catastrophes au Kivu. A l’Est de la RD Congo, le Paysage montagneux de Maiko-Tayna-Kahuzi-Biega, Landscape 10, est une zone où l’immigration de populations venant des régions très peuplées situées plus à l’Est menace directement la biodiversité à travers la déforestation, l’expansion de l’agriculture et l’exploitation minière artisanale en plus des catastrophes d’origine anthropique ou non.
C’est dans ce couloir écologique que, suite à de fortes pluies les 2 et 4 mai à Luzira, Bushushu, Chabondo et Nyamukubi en Territoire de Kalehe au Sud-Kivu, les rivières Lukungula, Kabushungu et Kanyunyi sont sorties de leurs lits, entraînant des inondations et des coulées de boues et de pierres dans les villages sur les flancs des collines au bord du Lac Kivu.
Selon les dernières estimations des autorités provinciales, au moins 550 personnes ont été tuées et enterrées ; plus de 5000 autres personnes sont portées disparues ; près de 3 000 maisons ont été affectées dont environ 1 200 complétement détruites. Cette zone touchée par la catastrophe est également une zone qui a accueilli des milliers de personnes déplacées, notamment en provenance du Nord-Kivu.
Cette calamité n’est pas la volonté de Dieu
Elle est également endémique au choléra. Les besoins d’urgence des populations sinistrées sont multiples : eau potable, nourriture, vêtement, habitat, santé, etc… Cette calamité n’est pas la volonté de Dieu. Trois millions de réfugiés rwandais se sont déversés sur le Kivu en 1994 et ont ‘’massacré’’ l’essentiel des ressources environnementales.
Suite à une paupérisation accrue, les populations ont trouvé comme alternatives la déforestation pour se procurer du bois de chauffe, des planches et de la braise ainsi que l’exploitation artisanale des minerais.
En conséquence, la texture du sol a été durablement fragilisée.
« Les ceintures d’eucalyptus, les haies anti érosives et les forêts primaires n’existent plus. Tout est décapé »,
ce qui provoque l’érosion des collines et des versants. Les débris glissent jusque dans les lits des rivières. A cause de cet apport en limon, le fond des rivières remonte mécaniquement. Avec l’augmentation des précipitations suite aux changements climatiques, les rivières débordent et quittent leurs lits pour causer des dégâts considérables en contrebas. C‘est ce qui préoccupait la Dynamique Indépendante RESILIENCE lorsqu’elle a pris l’initiative citoyenne d’organiser un « Symposium sur le plan d’action pour la prévention durable des catastrophes à l’Est de la RD Congo à partir du cas de la catastrophe de Bushushu et Nyamukubi en Territoire de Kalehe », qui vient de se tenir à l’Hôtel SERENA de Goma, ce mardi 06 Juin 2023.
Ruée massive vers l’exploitation des ressources naturelles
Il devient de plus en plus clair que, dans un contexte où le tissu économique du pays était complètement détruit et où le capital étranger faisait la loi en l’absence d’institutions financières nationales fortes, l’extraversion du marché a accéléré la ruée massive vers l’exploitation des ressources naturelles entrainant la destruction rapide des écosystèmes forestiers, les seules à pouvoir offrir des opportunités immédiates pour assurer la survie quotidienne. Ainsi, le commerce du charbon de bois (braise), des planches et autres produits dérivés de la forêt et déboisements a été l’apanage de petits opérateurs économiques locaux et étrangers.
Dans un tel désordre politique, social et économique, exacerbé par une insécurité chronique, les écosystèmes forestiers ont subi de très sérieux revers : les forêts primaires, les forêts communautaires et les réserves, qu’elles soient villageoises ou privées, ont été prises d’assaut et sérieusement entamées au point, pour certains, de disparaitre complètement. C’est le cas de la partie du littoral Ouest, se trouvant entre Kalehe et Nyabibwe, qui s’étend jusqu’à Masisi et à la lisière de Walikale.
Pour faire face à ces catastrophes, il faut « une synergie des forces »
C’est donc tout ce qui précède qui a fait le lit des catastrophes qui ont endeuillé des communautés entières de manière cyclique depuis quelques années, pas seulement dans le Territoire de Kalehe mais aussi dans ceux de Kabare, Walungu (au Sud-Kivu) et de même que dans celui de Masisi plus au Nord et ailleurs à l’Est de la RDC. A l’issue de ce Symposium, un appel à toutes les personnes physiques et morales de bonne volonté est lancée pour rejoindre, appuyer, accompagner, agir en synergie avec la Dynamique Indépendante RESILIENCE pour opérationnaliser les résultats obtenu.
Les priorités portent alors sur l’importance de responsabiliser les services étatiques en charge de la réponse aux cas de catastrophe, d’actualiser l’arsenal juridique et l’organisation administrative autour des catastrophes et de se positionner comme le relai des recherches implémentées par les Universités et Instituts.
La recrudescence devenue presque cyclique des conflits, dont ceux communautaires, les opérations militaires menées contre les groupes armés locaux et étrangers, les catastrophes naturelles et les menaces d’insécurité physique et alimentaire sont parmi les facteurs identifiés comme étant à la base des vagues de déplacements massifs internes et même de l’afflux de nouvelles vagues de réfugiés.
Quelle prise en charge?
Une étude de ces facteurs s’impose. Par contre, ce qui est urgent porte sur la prise en charge psychosociale des personnes victimes et affectées par les catastrophes, l’accompagnement des populations à s’organiser pour faire face aux catastrophes et la prévention des conflits autour des catastrophes.
Une étude sérieuse sur la thématique de la compensation pour cause de catastrophe à partir des cas de Bushushu et Nyamukubi où des détenteurs de documents certifiant leurs activités économiques (RCCN), comme des dépôts relais ou filets de pêche ou des commerces donnerait l’idée exacte de ceux qui ont tout perdu et qui exerçaient une activité reconnue par l’Etat.
C’est pourquoi l’après Symposium s’annonce chargé. Il est impérieux de commencer à réfléchir ensemble sur une question cruciale : quelles sont les causes profondes de ces catastrophes naturelles, comment devons-nous les aborder, avec quelles ressources, quelle expertise ?
Pour ce faire, chercher dans les savoirs – modernes et traditionnels -, des connaissances, des expertises et des institutions étatiques et privées capables de formuler des approches, des orientations et des stratégies pertinentes pour asseoir une réponse holistique et durable pour que Kalehe et tous les sites sinistrés se remettent débout et soient à l’abri de telles catastrophes.
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Par Munguiko Diaz
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