La République Démocratique du Congo se prépare aux élections générales en décembre prochain comme annoncé par la Commission Electorale Nationale Indépendante, CENI. A quelques mois de ce rendez-vous, il s’observe de cas de démission des activistes de mouvements citoyens et groupes de pression dans la ville de Goma et partout en province pour intégrer les partis politiques. Plus d’un citoyen s’interroge sur la suite de la lutte.
De la LUCHA à la politique
Dans la ville touristique de Goma, à l’Est de la République Démocratique du Congo, deux grandes icones du mouvement citoyen Lutte pour le Changement, LUCHA, ont fait leur entrée en politique. Il s’agit de Sankara Kambale-Kartumwa qui a rejoint l’AFDC de Modeste Bahati Lukwebo et d’Espoir Ngalukiye qui a intégré Ensemble pour la République, de Moïse Katumbi.
Le premier qui, en mai dernier, a annoncé « la poursuite de son engagement pour un Congo nouveau entant qu’acteur politique », dit ne pas se retirer de la lutte noble que porte le mouvement et indique que « ce congé n’est en réalité pas un départ ou retrait de la LUCHA ».
« Il s’agit juste d’un prolongement du combat de la LUCHA au sein de la sphère où se prennent les décisions qui façonnent notre avenir », précise le célèbre militant au fauteuil roulant.
Le second, déclare être candidat aux prochaines élections pour marquer la différence depuis « l’intérieur ».
« Je serai candidat aux élections législatives à Goma cette année. Afin de sauver notre pays, de contribuer au changement de cette classe politique qui a échoué mais également pour continuer notre lutte pour changer les choses en étant à l’intérieur », a déclaré Ngalukiye.
La politique, ça vaut la peine ?
Certains citoyens de la ville se réservent de crier à la déception mais expriment tout de même leur pessimisme quant au changement par la politique congolaise. Ceux-ci perçoivent la politique en RDC comme un monde d’enrichissement facile, de mensonges et de réduction au silence. Ils craignent alors que la lutte soit abandonnée au profit de politiciens insouciants de problèmes sociaux.
Zawadi, une quadragénaire habitante de la ville de Goma, regrette que « les fervents activistes » des mouvements citoyens qui ont par le passé intégré la politique aient été « avalés ».
« C’est aujourd’hui que je comprends qu’ils n’avaient pas d’objectif clair de changer les choses. Ils auraient dû rester activistes », regrette-t-elle.
N’y a-t-il pas un autre moyen de changer les choses sans pour autant intégrer la politique ? La politique, surtout celle jugée à la congolaise, peut-elle faciliter les nouveaux venus de renverser la tendance ?
Jacques Muhima, analyste indépendant et habitant de Goma, reste pessimiste.
« La réalité de la politique congolaise est complexe et cette réalité nous enseigne qu’il ne suffit pas d’avoir un poste ou des responsabilités politiques pour changer quelque chose car nous en avons vu avec d’autres acteurs. La politique surtout la politique congolaise à ses réalités ».
Qu’espèrent les mouvements citoyens réellement ?
C’est à ce virage que les questions posées par feu Professeur Ka Mana interpellent les mouvements citoyens.
Il est temps de faire une évaluation critique des mouvements citoyens des jeunes en République démocratique du Congo. Quand ils ont surgi dans l’espace public il y a quelques années et se sont imposés comme acteurs majeurs du changement qu’ils voulaient pour notre nation, qu’avaient-ils au fond de leur esprit et qu’espéraient-ils réellement ? Quels résultats ont-ils obtenus dans leur vision de nos problèmes et dans leurs stratégies d’action ? Dans l’état actuel de leurs luttes, quelles promesses portent-ils encore pour notre société au Congo et quelles orientations peuvent-ils se donner comme chemin face à l’avenir ?
Ce que disent les autres activistes
Pour leurs camarades activistes, certains militants ont intégré la politique après s’être servis de la lutte ou des actions menées pour se vendre politiquement.
« Pour ceux-là, la seule motivation c’est les émoluments alloués aux députés qui intéressent. Mais nous espérons que d’autres le font pour servir la nation et pour continuer notre combat au sein des institutions », disent bon nombre d’activistes de Goma à ce sujet.
Tout en rassurant leurs camarades du soutien qu’ils vont leur apporter dans leur nouvelle aventure, ces militants sont convaincus que la lutte a des dimensions et que quoique dans les mouvements citoyens on peut influencer les décisions politiques, ce n’est qu’en position convenable [politique, Ndlr] qu’on peut changer les choses.
Pour rappel, c’est à partir de 2012 que le premier mouvement citoyen est né en RDC. Aujourd’hui, il est possible d’en compter plusieurs centaines. A leur naissance, ces « structures informelles et de fait » sont portées par des jeunes filles et garçons engagé.e.s dans lutte pour la justice sociale, la démocratie, la paix et d’autres valeurs républicaines.
Une lutte exigeant l’amélioration des conditions sociales notamment l’accès à l’eau, à l’électricité, la construction des routes etc. ainsi que le respect de la constitution, l’organisation des élections libres et transparentes,… Ce combat a coûté la vie à bien des jeunes engagé.e.s et d’autres se sont vu arrêtés et jetés en prison ou contraints à l’exile.
Il y a donc lieu de se demander comment ceux qui, hier, ont été durs avec les autorités, vont se comporter aux côtés d’elles pour apporter le changement que leur lutte citoyenne n’a pas atteint pendant plus d’une décennie.
Hervé Amani
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