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Coupe et couture_photo d'illustration
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Promotion du genre

BUKAVU: Quand les filles-mères défient préjugés et stigmatisations

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Il s’agit d’une question « tabou ». Une question pleine de préjugés, de discriminations, de rejet familial, d’exclusion scolaire et ecclésiastique, et bien d’autres. Une mère célibataire dite « fille-mère » ayant eu la « malchance » d’avoir un enfant sous le toit familial est presque abandonnée à elle-même. Un comportement qui s’observe aussi bien dans la ville de Bukavu que dans toute la région de l’Est de la République Démocratique du Congo. Défier cette culture sociétale est la mission accomplie par deux filles-mères rencontrées fin mai 2023.

Se relever pour ses rêves

« Ça peut arriver à toute jeune fille de ce monde. Et quand c’est arrivé, l’important c’est de se frayer un chemin et se battre pour ses rêves »,

nous confie *Angélique [nom d’emprunt], mère d’un garçon de 6 ans.

Devenue mère en pleine adolescence, *Angélique loue le soutien reçu de ses parents qui l’ont envoyée dans l’une des universités de la ville de Bukavu, au Sud-Kivu, afin de poursuivre ses études.

Chapeau collation des grades académiques

« Actuellement, je suis en deuxième année de licence et je me marie avant la fin de cette année. Ça aurait été fait l’an passé mais j’ai convaincu mon fiancé de patienter que je finisse mes études. Bientôt je vais devenir ingénieure et j’en suis trop fière », ajoute-t-elle.

Enceintée de gré ou de force, le défi est grand

Région dominée par des conflits armés et des situations socioéconomique et sécuritaire déplorables il y a bientôt trois décennies, l’Est de la RD Congo est devenue une des zones où les violences sexuelles et basées sur le genre (VSBG) se font entendre le plus au monde. Baptisée « capitale mondiale du viol », la région fait des femmes les victimes qui payent le lourd tribut de toutes ces violations.

Des études ont démontré que le viol est un traumatisme pour la femme. Les spécialistes indiquent même que c’est le pire des événements susceptibles de conduire à une maladie traumatique. En RD Congo, par exemple, « la particularité de ce traumatisme tient à l’image créée autour du mariage, de la virginité, de la fidélité, du corps de la femme… en effet, une femme violée et une prostituée se rapprochent aux yeux de la société ».

Qu’importe les circonstances, avoir un enfant avant le mariage pour une fille lui constitue des préjugés et discriminations qu’elle est appelée à combattre et en développer sa résilience.

Voler de ses propres ailes

Contrairement à *Angélique, *Dela [nom d’emprunt] n’a pas reçu de soutien de son père (après la mort de sa maman). Devenue mère d’un garçon alors qu’elle n’avait que 16 ans, *Dela sait expliquer ce que c’est qu’ « un viol nocturne » au cœur d’un village en proie à l’insécurité.

Une seule option était dès lors possible : aller vivre chez sa tante dans la ville de Bukavu. Ici, la jeune mère va se sentir en sécurité et plus ou moins à l’abri de toute forme de stigmatisation telle qu’endurée pendant une année et demie dans son village avant et après la naissance.

« Ma tante m’a inscrite dans un centre de formation en coupe et couture ici [à Bukavu]. Au début, j’ai eu des difficultés d’adaptation mais une année après, je me suis sentie épanouie. Trois années plus tard, j’ai ouvert cette porte [atelier de coupe et couture] propre à moi où j’encadre ceux et celles qui veulent apprendre ce métier ».

*Dela n’a jamais été aussi fière que de voir plusieurs catégories de personnes faire recours à son atelier.

« Je couds pour une diversité de femmes de la ville et ça me rend fière de moi-même. Il s’agit d’une véritable source de revenus et je glorifie le Seigneur grâce à qui j’y suis arrivée ».

Pour sa vie amoureuse, la mère célibataire âgée maintenant de 23 ans ne dévoile pas ses secrets. « Le travail d’abord » reste son langage préféré. Elle confirme toutefois être en bonne relation mais se réserve d’en dévoiler les étapes prochaines.

Que disent les pouvoirs publics et la loi ?

En RDC, il n’existe ni au niveau provincial et moins encore au niveau national, de lois spécifiquement conçues pour l’accompagnement des filles-mères. Visiblement, le rôle n’est joué que par les organisations non gouvernementales.

« L’éducation est la clé de la réussite », dit-on. Malheureusement, plusieurs écoles primaires et secondaires tant publiques que privées excluent la jeune fille qui, de gré ou de force, est tombée enceinte. Les écoles catholiques occupent le premier rang en termes de cette exclusion.

Il sied tout simplement de noter que la constitution du pays, en son article 45, parle d’accès pour toute personne aux établissements d’enseignement national sans discrimination.

Au Sud-Kivu, les efforts des pouvoirs publics sont loin de répondre efficacement aux besoins des filles-mères en éducation et en autonomisation, en lutte contre la stigmatisation et la discrimination. Des efforts presque inexistants sans le concours des organisations et partenaires d’appui.

Marcelin Shabani, Chargé des questions de la protection de l’enfant et des VSBG à la Division du genre, famille et enfant au Sud-Kivu, parle de deux stratégies majeures d’encadrement des filles-mères en collaboration avec les partenaires du domaine, bien entendu.

« Il s’agit du rattrapage scolaire pour celles qui ont raté leur cursus scolaire. Ici, les ministères de la Justice et de l’EPST, s’appuyant sur ses partenaires dans le domaine, organisent les centres de rattrapage scolaire. Le cursus de 6 ans est raccourci à 3 ans pour celles-là qui veulent poursuivre leurs études ».

Il évoque également les centres d’apprentissage des métiers qui sont également organisés pour celles qui les désirent. « Il s’agit de la coupe et couture, tannerie, broderie, etc. et la fabrication des pavés en est la nouvelle approche ».

Marcelin loue la collaboration avec d’autres organisations qui œuvrent dans l’autonomisation de la femme et dans l’accompagnement des filles-mères.

Les organisations d’accompagnement face au défi

Venantie Mawazo, responsable de Famille d’Espérance, une organisation locale qui promeut l’éducation et l’autonomisation des femmes et des jeunes filles, note des défis tant du côté des parents que de l’Etat.

S’adressant aux parents qualifiés d’acteurs de premier rang dans l’exclusion sociale dont sont victimes filles-mères, elle leur demande de bien assumer leur rôle en tant que tels.

« Elles sont difficilement acceptées ou tout simplement abandonnées par les familles sensées les protéger en premier », s’indigne-t-elle.

Des stratégies utilisées, elle indique la rencontre avec les familles, la conscientisation à travers des émissions radiodiffusées, etc. d’une part, et la prise en charge par des formations en métiers et en éducation d’autre part.

Mawazo reste convaincue que l’accompagnement de l’Etat produirait des effets des plus en plus positifs face au calvaire que connaissent les filles-mères à qui elle exprime ses encouragements dans la lutte pour un avenir meilleurs.

Jonathan Magoma, JDH

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