BUKAVU : Fuir la mort pour embrasser la mort, les sinistrés de la colline du Lycée Wima crient au secours
La saison pluvieuse est à la porte. Mais pendant ce temps, sur la colline surplombant le Lycée Wima en commune de Kadutu, ville de Bukavu dans l’Est de la RD Congo, des maisons de fortune continuent à pousser comme des champignons. Pourtant, un site déclaré impropre à la construction! Certes, les autorités avaient annoncé la délocalisation pour se réinstaller au site de Cikera. Mais ici encore, les sinistrés se voient fuir la mort pour embrasser la mort et préfèrent mourir sur « leur » colline.
Le 14 septembre courant, le reporter de déboutrdc.net a fait la rencontre de quelques sinistrés de la colline du Lycée Wima. Quelques habitants font savoir leurs inquiétudes face aux conséquences du « déluge » devenu monnaie courante dans cette partie de la ville.
D’autres expliquent leurs désespoirs après avoir été délocalisés par le gouvernement vers le site de Cikera en commune de Bagira, à plus ou moins 9 Km du Lycée Wima. Un site qui rend la vie de plus en plus difficile.
Ici, on cohabite avec la mort
Au cœur de cette colline en proie à l’érosion, sur avenue Lycée Wima, habite Thérèse Yohali, âgée de 73 ans. A sa rencontre, madame Tété nous fait découvrir les alentours de sa maison.
A côté de la porte d’entrée, un canal d’eau tributaire de la rivière dite « Sengonga ». L’on peut aussi observer des fissures créées par les eaux de pluie sur les murs de sa maison.
Quand il pleut, à ce moment, Thérèse accroche son matelas sur un clou attaché à l’intérieur. Elle emballe également d’autres objets importants dans des sacs en caoutchouc, afin de les mettre à l’abri des eaux stagnantes à l’intérieur de sa maison.
A chaque tonnerre, elle se réveille. Et à chaque moindre pluie, elle est obligée de rester assise toute la nuit en attendant que la pluie cesse. Toutefois, la septuagénaire a une « arme » de consolation face à la situation: un chapelet qu’elle récite jour et nuit pendant qu’il pleut.
« Quand il pleut, je reste assis au lit en priant Dieu de me venir au secours ».
Ayant quitté son avenue faute de moyen pour payer le loyer, madame Tété n’a pas eu d’autre choix que d’aller vivre « à côté de la mort ».
« Dès que je suis arrivée dans cette avenue en mars 2023, j’ai assisté à l’écroulement d’un pont à côté de notre maison », dit-elle.
Thérèse se dit prête à quitter cette colline si quelqu’un de bonne volonté le lui demandait. Elle ajoute qu’en cette période de pluie, la peur au ventre devient de plus en plus grande.
Nous sommes obligés de rester ici
Pour sa part, Claude Lushuguri, l’une des victimes de l’éboulement du 25 avril 2022, fait savoir que tout leur quartier traverse un moment difficile pendant chaque saison de pluie.
Il décrit la peur de revivre les mêmes catastrophes pendant cette période de pluie.
«Quand il pleut, nous sommes obligés de passer nuit à la belle étoile, afin d’être aux aguets».
Mais où sont parties les autorités gouvernementales ?
« Nous écoutons toujours des promesses dites par le Gouverneur Théo Ngwabidje mais aucune action concrète jusque-là! », regrette-t-elle.
Claude fait remarquer en plus qu’il est archifaux que certaines personnes pensent que les habitants de la colline ne veulent pas la quitter pour s’installer à Cigera, le site qui leur a été « donné ». Un site « impropre à la vie ».
« Le site de Cikera dont on parle n’a pas d’eau, ni de courant électrique. Certains d’entre nous ont des documents de propriété des terres mais sur le site en question, ils n’ont pas retrouvé des parcelles. Voilà pourquoi nous sommes obligés de rester ici », a-t-il insisté.
Le gouvernement installe les sinistrés sur un « site impropre à la vie »
De la place de l’Indépendance à Cikera en commune de Bagira, il faut parcourir plus de 9 km.
Sur toute l’étendue, seules 10 maisonnettes construites en bâches et en planches sont visibles. Les propriétaires de ces taudis se sont battus seuls pour les construire sans aucun appui des autorités.
« Il fait 4 mois déjà que je suis venu habiter ici après l’éboulement du 25 avril 2023 vers la colline du Lycée Wima. J’avais perdu tous mes biens dans cet éboulement. J’ai construit ma maison ici grâce aux contributions de mes proches, aucune autorité ne nous est encore venue en aide ».
Sur le lieu, c’est une étendue presque vide qui vous accueille. La misère est perceptible sur les visages de quelques courageux qui sont venus s’y installer. Arriver à ce site, c’est un parcours de combattant. Il n’y a ni route ni hôpital, ni école ni borne fontaines ni électricité.
« Ici où nous vivons à présent, nous partons puiser chaque jour à la rivière Nyamwinga, car pour trouver l’eau potable, on doit marcher 2 kilomètre à pied. Nous utilisons également des torches pour éclairer dans nos maisons, parce que nous sommes privés de lumière », nous explique Bahati Christian.
Pour Aimérance, mère de 5 enfants et âgée d’une trentaine, elle pensait qu’en déménageant vers le site de Cikera, elle sera alaise par rapport à son milieu de provenance. Pour trouver à manger pour ces enfants, elle doit parcourir une longue distance, même chose pour ces enfants pour atteindre leur école, etc.
« Il y avait des éboulements à la colline du Lycée Wima où nous vivions. Ici où nous sommes à présent, nous avons la difficulté de trouver à manger, parce que le marché est très loin. Quand il pleut, mes enfants ont difficile à arriver à l’école car ils doivent patauger une distance de 3 Km », regrette-t-elle.
Le Gouvernement provincial insensible
« Dans un mois je vais revenir ici pour détruire toutes ces maisons qui sont construites illégalement »,
avait déclaré le gouverneur Théo Ngwabidje devant la population venue l’écouter sur le lieu du sinistre sur avenue Lycée Wima.
Après plus d’une année de promesses du gouvernement à ces habitants, toujours rien de palpable. Nous avons tenté plusieurs fois de contacter le Ministre provincial de l’Urbanisme et Habitat pour en savoir davantage. Celui-ci n’a pas voulu nous recevoir, renvoyant chaque fois notre rendez-vous.
Il sied de rappeler que dans le même quartier (Nyakaliba), un incendie avait calciné plus de 150 maisons le 27 septembre 2021, vers 15 heures. Le 25 avril 2022, sur le même lieu, 9 personnes étaient mortes et 6O maisons écroulées après un « déluge ».
Il s’agit en effet d’un site impropre à la construction face auquel les autorités semblent avoir fermé les yeux et les oreilles.
Elie Cirhuza
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