RDC : La MONUSCO doit partir qu’en dit le droit international ? (Prof Cifende)
Depuis plusieurs semaines, les discours demandant le départ de la MONUSCO se multiplient. Le dernier en date est celui de Bahati Lukwebo, président du sénat congolais. A moins d’une semaine de son discours, des actions citoyennes ont été organisées dans la ville de Goma et Rutshuru dans la province du Nord-Kivu à l’Est de la RDC. Face à cette situation, quelle procédure pour faire partir cette mission Onusienne plus de 20 après ? Que dit le droit international ? Pour y répondre nous vous proposons la réflexion du professeur Moise Cifende Kaciko.
La MONUSCO est une opération de maintien de la paix des Nations Unies et non une mesure coercitive au sens de la charte des nations unies unies. En conséquence sa présence sur le territoire d’un État repose sur le consentement de cet État. C’est à dire que si la RDC en décide ainsi, la MONUSCO doit plier bagage et partir. Ceci dit, au nom du principe de bonne foi dans les relations internationales, le pays doit lui laisser le temps nécessaire ou raisonnable pour faire ses bagages ; le traditionnel 48 heures n’est pas réaliste pour les institutions, cela peut donc prendre un mois voire plus, selon les circonstances du cas, trois mois après notification.
La MONUSCO a échoué
Il est vrai que la MONUSCO a échoué, à en juger à sa mission de maintien de la paix et de protection des civils. Et la mission onusienne ne s’en cache pas. Elle le confesse publiquement après chaque massacre perpétré aux alentours de ses installations ou positions ; ce fut le cas à Mutarule et Shabunda au Sud-Kivu, à Nyiragongo, Jomba, Rutshuru, Beni au nord Kivu et devant le théâtre quotidien des égorgeurs des personnes humaines en Ituri.
L’aveu d’impuissance de la force onusienne face aux rebelles du M23 soutenus par le Rwanda et l’Ouganda selon les constats sur terrain et les dénonciations officielles a exaspéré la population civile victimes des violations graves des droits de l’homme et du droit international humanitaire perpétrés quotidiennement par ces rebelles.
Des autorités officielles et des partis politiques tels l’AFDC et l’UDPS au pouvoir ont été le porte-voix des citoyens lamda qui réclament depuis des années, sans que leur voix ne soit entendue, le départ de la MONUSCO. Des manifestations populaires violentes contre la mission onusienne s’observent partout au nord Kivu et ailleurs…
Oui, il est vrai la MONUSCO doit partir mais comment ?
Depuis le règne du président Kabila, les autorités officielles se lamentent publiquement contre la MONUSCO. Elles réclamaient son départ sans vraiment enclencher les procédures diplomatiques utiles à cette fin.
La notification à l’ONU par des procédures diplomatiques requises (Minaffet, représentation de la RDC à l’ONU et représentation de de l’ONU en RDC) que la RDC met fin à la mission de l’ONU à partir de telle date.
« Il suffit au gouvernement de décider sans devoir passer par le parlement. Encore qu’une décision/résolution du parlement donnerait plus de solennité à ce vœu populaire », ajoute Cifende.
Il convient également d’être attentif aux dispositions de l’accord de siège et de la Convention de Vienne de 1986 sur le droit des traités entre les Etats et organisations internationales.
Le départ d’une mission de maintien de la paix avant le terme convenu (s’il y en a) équivaut à une dénonciation de l’accord de siège.
Dans le cas de la MONUSCO où l’accord de siège ne prévoit pas de disposition sur sa dénonciation, le droit de dénoncer ce traité bilatéral est acquis pour l’Etat congolais non seulement en vertu de la nature de cet accord et celle de l’opération de maintien de la paix mais aussi au nom de la souveraineté de l’Etat.
Bref, loin du populisme, il conviendrait que les autorités congolaises enclenchent les procédures diplomatique ; notifier à la MONUSCO quelle doit partir à la date qu’elles lui fixent.
Quid si la MONUSCO ne s’exécute pas.
La mission et ses agents perdent les privilèges et immunités diplomatiques et seront considérés en situation irrégulière en RDC et expulsés.
S’en suivra annulation des visas en cours, refus de donner des visas, et expulsion du territoire national…
Il y a des précédents célèbres en Égypte (affaire du Suez), au Burundi, au Mali, etc.
Par ailleurs l’ONU devrait s’assumer. La présence continue de la MONUSCO sur le territoire congolais en dépit de son échec et du désavoue populaire sans appel est contraire au principe de base au cœur de la charte : la démocratie et les droits de l’homme, y compris le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.
L’ONU doit écouter la rue. . . C’est l’esprit même de sa charte
Au demeurant, il appartient à chaque Etat d’assurer l’intégrité de son territoire et la protection de sa population et de nouer à cette fin des alliances qu’il juge nécessaires et efficaces. C’est déjà un pas que les autorités congolaises le comprennent.
Si l’ONU écoutait la voix du peuple congolais c’est de mettre en place un tribunal pénal international pour le Congo afin de lutter effacement contre l’impunité des massacres que dénoncent le Rapport Mapping et bien d’autres postérieurs à ce rapport.
« La paix en RDC est à ce prix. Un tel tribunal, par la vertu afflictive et préventive de la justice pénale internationale, ramènera plus facilement la paix plus que des casques bleus armés jusqu’aux dents. Même avec l’efficacité et la perspicacité légendaires de madame Bintou Keitha, digne fille de l’Afrique, la MONUSCO n’a pas pu redorer ses blasons ternis. Il faut que les autorités congolaises et l’ONU elle-même en tirent les conséquences », conclu le professeur Cifende.
Pour rappel, la tension est vive depuis le matin de ce lundi 25 juillet dans plusieurs coins de la ville de Goma (Nord-Kivu). À la base, des nouvelles manifestations pour exiger le départ de la Mission des Nations-Unies pour la stabilisation au Congo (MONUSCO). C’est sur initiative des mouvements citoyens en appui aux actions entamées depuis samedi par les femmes qui ont également manifesté pour décrier la complicité de la communauté internationale dans l’insécurité dans l’Est de la RDC.
Depuis tôt le matin, des manifestants ont érigé des barricades sur la chaussée, bloquant ainsi toute circulation. C’est le cas des axes deux lampes-Majengo, Mutinga-Katoyi, Kituku-Lasapientia, Katindo-Ndosho, Office-Virunga et autres.
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