RDC : Dialogue avec le M23, Kamerhe oublie vite ? (Editorial)
La guerre entre les terroristes du M23 et les FARDC dans le Nord Kivu suscite de plus en plus des débats. D’un côté, certaines organisations internationales et des Etats amis ou ennemis de la RDC veulent que le gouvernement dialogue avec le M23. De l’autre, des congolais disent non à ce énième dialogue. Pour eux, c’est depuis plusieurs années que le gouvernement congolais dialogue avec les rebelles. Après le dialogue, les rebelles se métamorphosent en une autre rébellion. Un cercle vicieux, mortel pour la paix en RDC.
Kamerhe et sa théorie
Lors de son passage à l’Est de la RDC, Vital Kamerhe avait aussi proposé un dialogue qu’il qualifie de « sincère ». Pour lui, les congolais doivent dialoguer avec les « parrains » du M23.
L’approche prônée par le Président national de l’Union pour la Nation Congolaise (UNC), précise son Directeur de Communication Michel Moto Muhima, met un accent particulier sur la nécessité d’un dialogue franc entre les pays impliqués, notamment la RDC, le Rwanda et l’Ouganda. Ces 3 pays, dit-il, forment le triangle au centre duquel se trouve le M23, l’œil du cyclone.
Ce dialogue que propose Kamerhe n’est pas le premier. Après la chute de Laurent Désiré Kabila, assassiné le 16 janvier 2001, dans son bureau à Kinshasa, la RDC va tomber dans une situation d’ingouvernabilité. Face à des mouvements politico-militaires, les parties vont se retrouver à Sun City pour dialoguer.
A l’issu de ce dialogue, tous les chefs rebelles les plus influents vont co-gérer le pays d’où le fameuse formule « 1+4 ».
En 2006, les élections sont organisées donnant la chance à tout le monde de postuler. A l’issu de ces élections, Joseph Kabila sera élu président au deuxième tour face à Jean-Pierre Bemba.
Le RCD engendra le CNDP
Face à cette élection démocratique, les congolais avaient pensé que les cycles des violences étaient désormais derrière eux car tous les belligérants dont ceux du Rassemblement Congolais pour la Démocratie (RCD) appuyés par le Rwanda, le Burundi et l’Ouganda avaient su se positionner soit dans les ministères, soit dans l’armée ou dans l’administration publique.
Malheureusement moins d’une année plus tard, un mouvement rebelle va naître. Il s’agit du Congrès National pour la Défense du Peuple, CNDP. Ce mouvement va terroriser le Nord-Kivu occasionnant des massacres, des déplacements massifs des populations et des viols massifs des femmes et jeune filles.
Kamerhe et la conférence de paix de Goma
En janvier 2008, une conférence de paix est organisée dans la ville de Goma. Presque tous les groupes armés, les organisations internationales et d’autres partenaires de la RDC sont à table.
A l’issue de cette conférence, il fallait que tous les partis signent un acte d’engagement. Un exercice difficile. Après plusieurs négociations, le résultat n’était pas palpable car le CNDP de Nkunda Batware voulait négocier dans la position d’égalité avec le gouvernement congolais. Ce qui va amener Vital Kamerhe à lâcher :
« Nous sommes capables de mobiliser toute la population contre vous. Vous n’y arriverez pas » !
Des postes stratégiques dans l’armée et 500 mille dollars
Après plusieurs tractations, le document va être signé le 23 janvier 2008. Il faut comprendre que le CNDP de Laurent Nkunda avait reçu à imposer l’intégration dans l’armée plusieurs militaires et à des grades supérieurs.
Une situation qui va révolter les Maï Maï qui ont voulu avoir le même nombre de généraux et une somme de 500 mille dollars comme garantie de renoncement aux armes. Malgré la signature de l’acte d’engagement, le CNDP va continuer les attaques contre les populations civiles. Des généraux nommés vont faire défection, pour reprendre les armes, d’autres sont restés au sein de l’armée nationale pour servir d’informateur à leurs anciens maitres comme le confirme le Président Congolais lors de son séjour en Grande Bretagne.
Cette position du Président Congolais est connue par tous les congolais. Pour eux, tant que l’armée est infiltrée par des étrangers, il est impossible d’espérer à la paix
« Notre armée est fragilisée par les infiltrés des pays voisins, ces Infiltrés occupent des fonctions stratégiques et travaillent pour l’intérêt de leur pays d’origine. Tant que l’armée est infiltrée par des étrangers, il est impossible d’espérer à la paix », regrette Deward Muzanga sur son compte facebook en réaction à un article de nos confrères de Radio Okapi.
Talk and fight, une strategie des rebelles
Depuis l’avènement de l’AFDL et ses corolaires, les rebelles ont toujours monté les enchères surtout quand ils sont dans une position de forces. Ils se rassurent de dialoguer quand ils occupent une partie du pays. Face à l’agression dont la RDC a toujours été victime, plusieurs organisations internationales vont conseiller à la RDC de dialoguer avec le CNDP.
En 2009, un accord va être signé entre ce groupe rebelle et le gouvernement congolais.
Après 2009, et la signature des accords, le CNDP va se muer en M32, soit mouvement du 23 mars, pour les initiateurs, anciens du CNDP, le gouvernement congolais n’a pas respecté ses engagements. Chose que le gouvernement congolais réfute.
« Plusieurs demandes du CNDP ont été prises en compte comme par exemple la nomination de plusieurs cadres du CNDP aux postes de responsabilité en RDC et le mixage de son personnel militaire dans les FARDC », Raymond Cibanda, ancien ministre congolais des affaire étrangères.
Ce mouvement dit du M23 va cette fois être défait en 2012 et ils seront contraints de quitter la ville de Goma.
Le M23 10 ans après !
Il y a presque cinq mois, que les terroristes du M23, ont attaqué et occupé la cité de Bunagana, une entité stratégique. Chaque fois dans leurs réclamations ils mettent au premier plan le fait que leurs différentes communautés sont en danger et que par conséquent il faut les défendre; un scénario qui rappelle la prise de la ville de Bukavu par Laurent Nkunda en 2004, au motif que ses « frères » étaient en danger à Bukavu. Dans cette aventure, comme le notent plusieurs rapports d’ONG de droit de l’Homme, des femmes furent violées systématiquement, des assassinats ciblés eurent lieu, des magasins pillés,… Après son forfait, Nkunda et ses militaires vont rentrer à Goma après avoir laissé la ville de Bukavu à sang et à feu, comme le rappellent certains habitants de Bukavu ayant veçu ces atrocités.
Plus de 18 ans après, les M23 viennent avec la même stratégie de protection des rwandophones qui seraient en danger.
Non au dialogue
Si le M23 a l’appui du Rwanda et de l’Ouganda, il lui manque un élément important, l’appui de la population. Les habitants des zones qu’ils occupent préfèrent se réfugier en Ouganda au lieu d’être sous le joug de rebelles malgré les promesses qu’ils donnent aux habitants, revèle la société civile de Rutshuru. En plus de ce manque de collaboration, plusieurs marches sont organisées pour dire non à cette guerre.
Le 31 Octobre 2022, dans la ville de Goma, des milliers de Gomatraciens ont manifesté disant non à la guerre. D’autres manifestations sont prévues sur toute l’étendue de la RDC à partir du mercredi 02 novembre 2022. Un seul message « Non au dialogue avec les terroristes ».
Cette prise de position des congolais de tout bord est aperçue comme de l’extrémisme. L’Union Africaine, l’Union Européenne, le Rwanda, etc, tous appellent au dialogue.
Et aux congolais de se demander :
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Pourquoi le Rwanda ne dialogue pas avec ses frères FDLR (Forces Démocratiques pour la Libération du Rwanda),
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Pourquoi les USA ne négocient pas avec les terroristes qui menacent sa sécurité intérieure ?
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Pourquoi l’Ukraine ne dialogue pas avec le Russie ?
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