ONU: Annulation de la restriction d’achat d’armes pour la RDC : la France, un ami à deux ennemis
La RDC a bénéficié, dès ce mardi 20 décembre 2022, de la levée de la procédure de notification des fournitures de matériels et d’assistance militaires grâce à l’adoption d’une résolution y afférente présentée par la France au Conseil de sécurité des Nations Unies. Ceci survient quelques mois après la reprise formelle de la coopération militaire entre le Rwanda et la France ; d’où la perplexité du rôle de Paris dans l’interminable conflit militaire rwando-congolais.
Il se célèbre une victoire diplomatique, à Kinshasa comme dans différentes grandes villes congolaises, suite à la levée des mesures restrictives sur l’approvisionnement de la RDC en équipements militaires. Cet exploit, visiblement très attendu au pays de Lumumba, a eu occurrence suite à l’implication tous azimuts de la République française.
Quelle belle amitié !
Déjà, le 13 décembre 2022, Bruno Aubert, Ambassadeur de la France en RDC, a rassuré le peuple congolais de l’engagement de son pays dans les négociations de levée totale de l’exigence de notification des achats d’armement, mentionnant également que son pays est resté « la seule nation à soutenir le point de vue de la RDC concernant cette restriction ».
La France a ainsi tenu jusqu’à l’accomplissement de sa mission ce 20 décembre 2022 au Conseil de sécurité des Nations Unies où la résolution 2667, relative à la levée de la mesure d’exigence de notification d’achat d’armes et matériels militaires, a été votée à l’unanimité.
Pour le Prof Albert Kabasele Yenga-Yenga, il ne s’agit pas d’une amitié. Il s’agit plutôt d’un « revirement tardif » !
Une bataille gagnée
Plus de 14 ans plus tard, Kinshasa peut jubiler. La diplomatie « agissante » de Tshisekedi peut être magnifiée ! A 1 an des élections.
Oui, la RDC a remporté un challenge diplomatique coriace. Un triomphe atypique dont l’on ne peut pas ne pas se féliciter.
Ainsi, l’exigence de notification imposée à la RDC par la résolution 1807 des Nations Unies du 31 mars 2008 est levée. La RDC ne devra plus notifier au préalable le comité des sanctions des Nations unies de tout achat et envoi d’armes et materiels militaires vers son territoire.
Pour Patrick Muyaya, porte-parole du gouvernement congolais, il s’agit d’«une bataille gagnée» et d’«une injustice réparée». Pour l’opposant Martin Fayulu qui remercie la France, c’est une « victoire » du peuple congolais pour sa mobilisation et sa pression.
Saluons la décision du Conseil de sécurité de l’ONU levant la mesure de notification imposée à la #RDC sur l’achat d’armes. Remercions la France d’avoir présenté la résolution et félicitons le peuple congolais pour la mobilisation et la pression ayant abouti à cette victoire.
— Martin Fayulu (@MartinFayulu) December 21, 2022
La France aux côtés de la RDC ?
Le rôle de la France, aux côtés de la RDC pour la défense de l’intégrité de son territoire, reste pour le moins complexe et quelque peu ambigu.
Si son héroïsme légendaire pour la levée de la procédure de notification des fournitures de matériels et d’assistance militaires ne peut qu’être reconnu à sa juste valeur, la France est un partenaire de dernière pluie du gouvernement rwandais, dans le secteur de la défense. Autrefois antagonistes, Kigali et Paris venaient à peine d’aplanir leur différend en cette année 2022, en mettant en place une coopération militaire basée sur le dialogue stratégique et la formation.
En RDC, la coopération militaire entre Kigali et Paris n’a jamais été vue d’un bon œil, étant donné que le Rwanda est accusé d’agresser la RDC par le biais du M23. En vertu du principe « l’ami de ton ennemi c’est ton ennemi », la confiance ne pourrait que se refroidir entre Kinshasa et Paris, à la lumière du rapprochement entre le secteur de défense de ce dernier avec le régime de Kagame, ennemi naturel de la RDC.
Alors que le groupe terroriste du M23 soutenu par le Rwanda pour agresser la RDC s’est emparé de la cité de Bunagana dans l’Est de la RDC, et l’occupe depuis le 13 juin 2022, c’est au mois de juillet de la même année que Kigali et Paris vont matérialiser le remariage par le déploiement d’un attaché de défense à l’ambassade française de Kigali. Selon nos confrères de lopinion.fr, cette coopération militaire a pour but de « faciliter le dialogue stratégique et organiser le partenariat de défense ».
Loin de toute suspicion, la France n’a pourtant jamais donné l’impression de s’allier aux besognes malveillantes de son partenaire, le Rwanda, en territoire congolais. Récemment, Paris n’a pas cessé de condamner, à travers ses réseaux officiels « le soutien rwandais au M23 » et d’alléguer son engagement à défendre « l’intégrité et la souveraineté de la RDC ».
De par ces dernières prises de position, incriminant le Rwanda comme agresseur de la RDC, la France joue clairement le Ponce Pilate ; chose qui se concrétise par cet exploit dont elle est l’auteure au Conseil de sécurité des Nations Unies.
« Le revirement tardif de la France à reconnaître l’agression rwandaise est une de pires distractions diplomatiques pour un Pays qui se dit Berceau de la liberté et de la démocratie », martèle le Prof Kabasele.
Ami à deux ennemis
Tant que la France garde intacte ses relations militaires avec Kigali, sans envisager la moindre sanction contre ce dernier, la France saura-t-elle clamer son innocence dans ce conflit aux nombreux rebondissements ? La pluridisciplinarité des actions militaires donne une préséance naturelle à la formation et à la conception stratégique ; chose dont la France ne s’extraira pas malheureusement.
De ce fait, loin de jouer à l’apaisement, la France s’érige en ami commun à deux ennemis. D’un côté, elle s’emploie à faciliter l’acquisition des armes aux forces armées de la RDC et de l’autre, elle s’implique dans la formation de la force de défense rwandaise.
Cette tendance bifaciale de l’Hexagone laisse penser à un équilibrisme de forces, entre le Congo et son antagoniste légendaire, qui ne tend pas à dénouer le conflit armé à l’Est de la RDC.
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